On puise profond dans le carton aux archives, puiqu'on
remonte à l'année 1965.
Nous venions de participer à une semaine de cyclotourisme
dans la région du Puy-en-Velay, un camarade de club et moi,
et nous étions venus retrouver mes parents qui séjournaient
en Savoie pour leurs vacances, au Châtelard-en-Bauges.
Pierre Kraemer, dit "le Gaulois", qui avait vingt ans de plus que moi, était un sportif inconditionnel, on pourrait presque dire un forcené. Il pratiquait les disciplines les plus diverses, toujours à la
limite de ses possibilités, qui étaient peu communes.
Il devait continuer ses vacances en pagayant dans les gorges de l'Ardèche, mais il avait une semaine de libre dans l'intervalle,
et l'inaction lui pesait.
Il tournait comme un fauve en cage, et c'est lui qui eut l'idée de
se lancer dans cette randonnée pédestre sur le G.R. du Tour
du Mont Blanc. Il n'eut pas énormément de mal à me convaincre,
et le lendemain, nous étions á Argentière chez un hôtelier qui
faisait du cyclotourisme muletier (ancêtre lointain du VTT) à
ses moments de loisir.
Le premier après-midi fut occupé à monter d'Argentière au col du Brévent, où eut lieu le premier bivouac.
La première photo de cette courte série (nous étions très pressés, trop á vrai dire pour une entreprise de ce genre) montre
le Gaulois accomplissant sa gymnastique matinale juste
au-dessous du col du Brévent. Le soleil éclaire déjà la chaîne du
Mont Blanc, tandis que nous sommes encore dans l'ombre par
une température très fraîche.
Après la longue descente sur Les Houches, dans la vallée de
Chamonix, nous sommes remontés sur l'autre versant jusqu'au
col de Voza, où nous avons rencontré le Tramway du Mont Blanc,
un chemin de fer à crémaillière à voie métrique qui monte du
Fayet au Nid d'Aigle, à quelque 2.400 mètres d'altitude, près du glacier de Bionnassay.
Après un second bivouac à Notre Dame-de-la-Gorge au dessus
des Contamines-Montjoie, nous avons successivement gravi le
col du Bonhomme, puis celui de la Croix du Bonhomme, où la
troisième photo a été tirée.
La randonnée s'est poursuivie par la descente sur le Cormet de
Roselend, qui n'était pas encore desservi par une route carrossable, et c'est là qu'ont été tirées les deux dernières photos
de la série.
Au sujet de la dernière photo, il faut préciser que nous avons pris
notre repas de midi à côté de ce grand névé, où le Gaulois avait
enfoui un bidon pour que son contenu reste frais. Il était trés fier
d'avoir tracé une croix dans la neige pour pouvoir le retrouver
plus facilement: après le passage de plusieurs centaines de
moutons, il a fallu néanmoins le chercher un bon moment...
Je ne possède pas d'autres (bonnes) photos de ce périple qui
alla toujours en s'accélérant, par Les Chapieux, au-dessus de
Bourg-Saint Maurice, La Ville des Glaciers, un nom un peu pompeux pour désigner une demi-douzaine de baraques en ruines qui ont dû abriter des chasseurs alpins du temps de Mussolini, l'ascension du col de la Seigne pour arriver à la
frontière italienne, et la descente sur Courmayeur par le refuge
Elisabetta et le Val Veny.
Le parcours en dents de scie, toujours quelque part entre 1.000
et 2.500 mètres d'altitude, s'est pousuivi par la remontée du
Val Ferret vers le Grand col Ferret et la frontière suisse,
La Fouly, Champex, la Fenêtre d'Arpette et le col de Balme pour
regagner la France et redescendre vers notre point de départ
Argentière. Là non plus, je ne puis pas proposer d'illustrations,
car le temps s'était gâté, et nous étions plus souvent dans les
nuages et le brouillard qu'autre chose.
Je possède quelques photos d'une autre tentative effectuée
beaucoup plus tard en 1980, mais qui n'alla pas plus loin que Courmayeur, le temps étant vraiment trop mauvais, voire dangereux: il ne faut jamais sousestimer le risque en montagne,
si l'on veut pouvoir y revenir.