Voici l'article que je viens d'envoyer au journal :
A l'occasion de son dixième anniversaire, le Réseau d'Ecoute, d'Appui et d'Accompagnement des Parents de l'Eure (REEAP27) a organisé ce mardi 11 octobre une journée de réflexion, d'information et d'échanges sur les fondements et les pratiques de l'accompagnement à la parentalité. Créé en 2001 et piloté par la Caisse d'Allocations Familiales, le REAAP de l'Eure est un dispositif partenarial au service de tous les parents. Il a pour but de répondre aux évolutions auxquelles les familles sont confrontées et qui peuvent les fragiliser.
En dix ans d'expérience, il a développé dans le département des modalités d'actions spécifiques, centrées sur la mise en réseau des parents et la valorisation de leurs compétences. D'autres dispositifs contribuent aussi à soutenir les parents dans leurs fonctions : la médiation familiale, les contrats locaux d'accompagnement à la scolarité, l'aide à domicile, les lieux d'accueil enfants-parents…
La première journée départementale de la parentalité a rassemblé des élus, des professionnels, des bénévoles et des parents, dans le but de faire connaître la diversité et la richesse de leurs actions et de renforcer le réseau des professionnels et des parents, les premiers éducateurs de leurs enfants.
Le rôle de parent a beaucoup évolué ces dernières années, et ce pour plusieurs raisons : L'affaiblissement des réseaux de voisinage, une plus grande mobilité géographique des actifs rendant plus difficile l'exercice des solidarités familiales, une diversification des structures de la famille (familles recomposées, parents isolés), une mutation des rôles parentaux et des rapports entre les parents et les enfants.
En raison de ces changements, on constate une perte des repères au sein de la famille avec des conséquences dans les cas extrêmes : jeunes mineurs et adolescents parfois fragilisés pouvant se livrer à des incivilités ou des actes plus graves. L'évolution de la société remet donc en question la famille et les rôles parentaux. Les parents sont désemparés, ce qui peut laisser penser qu'ils se déresponsabilisent. Or ce n'est généralement pas le cas. Aussi est-il essentiel que l'accompagnement de la fonction parentale s'exerce à l'échelle locale, permettant ainsi une plus grande proximité avec les familles dans leur environnement quotidien.
La journée s'ouvre par les exposés d'élus et d'intervenants principaux. Michel CHAMPREDON, maire d'Evreux, Pascal DELAPLACE, directeur de la Caisse d'Allocations Familiales et Laurent PILETTE, directeur de la Mutualité Sociale Agricole de Haute-Normandie, ont pris la parole. La journée a ensuite été organisée en deux temps forts : le matin, Jean EPSTEIN, psychosociologue, a donné une conférence sur le thème "Nous sommes des parents formidables". L'après-midi était organisé un débat entre professionnels et parents.
La conférence de Jean EPSTEIN
Jean EPSTEIN commence par une simple constatation : le mot "parentalité" ne figure dans aucun dictionnaire. C'est en effet une notion nouvelle qui apparaît au fur et à mesure que s'accroît le rôle du père dans la famille et la nécessité que plusieurs personnes collaborent dans l'éducation des enfants. Les parents ne sont plus les seuls à assurer cette éducation qui doit se faire par une confiance étroite entre trois partenaires : les parents, les enfants, et les professionnels avec qui la famille est en contact. Ces professionnels ne sont pas que des professeurs, ils peuvent être des responsables associatifs, ou des animateurs de centres sociaux, ou des membres de réseaux d'aide à la parentalité…
Une étude économique récente a permis d'évaluer le coût social de la délinquance juvénile. Il s'est avéré que ce coût est très largement supérieur au coût de toutes les actions éducatives qui pourraient faire très largement diminuer cette délinquance. Il ne s'agit pas de faire de la prévention pénale, mais seulement de l'éducation, ou du moins d'améliorer le contexte éducatif dans lequel se trouvent les enfants.
Le premier travail des parents est un travail sur eux-mêmes. Ils étaient un couple d'amants, ils doivent devenir (avec la naissance de leur premier enfant) un couple de parents. Ce n'est pas un mince travail et il nécessite de la part des deux parents de nombreux efforts et concessions. La vie à trois (ou quatre, ou cinq…) ne sera forcément pas la même que la vie à deux. Il faut l'admettre et prendre cela comme un nouveau bonheur, ou comme une nouvelle façon de voir le bonheur.
Apprend-on à être parents ? Certes non. Du moins, cela ne s'apprend pas dans les livres. Il ne paraît pas possible qu'avant d'être parents on sache ce que c'est de l'être. C'est "sur le tas" que cela s'apprend. Mais cela nécessite de se remettre en cause en permanence et de toujours prendre le temps de réfléchir au métier de parent. Seul, c'est très difficile, et c'est pourquoi se développent les réseaux d'aide à la parentalité.
Un excellent exemple est celui organisé par le Kiosque d'Ateliers de Quittebeuf qui organise "la Table du Dîner". Une fois par mois, des parents se réunissent autour d'une table, ils dînent ensemble tout en discutant. A chaque fois un thème est proposé et chacun apporte son point de vue. Aucun jugement n'est porté des uns sur les autres, il s'agit seulement de confronter les idées. Cela apporte aux parents une aide incontestable.
Il apparaît bien, finalement, que la parentalité ne peut s'exercer que si les trois parties prenantes collaborent dans un climat de totale confiance. Ces trois parties sont les parents, les enfants, et tous les professionnels avec lesquels la famille est en contact : crèche, halte-garderie, école, etc.
Le débat
La seconde partie de la journée a été organisée en débat. Pour commencer, il s'agit d'une table ronde avec des parents et des professionnels, présentant les associations dans lesquelles ils interviennent. Il y a 31 associations participant au REAAP27. Toutes ne sont pas présentées.
La même question est posée que lors de la conférence de Jean EPSTEIN : faut-il apprendre à être parents ? Et la même constatation est apportée : on apprend au fur et à mesure, "on fait ce qu'on peut". L'une des phrases prononcées au cours de ce débat a retenu l'attention de tous. Elle a été prononcée par une maman qui participe régulièrement à des réunions de parents du style de la Table du Dîner de Quittebeuf : "j'ai appris à aimer la maman que j'étais".
Les associations permettent d'évoquer les problèmes avant qu'ils se présentent. Le partage des difficultés est un enrichissement. Toutes ces actions permettent de déterminer la place que chacun occupe auprès de ses partenaires. "Bébé, je te porte, petit enfant je te tiens par la main, adolescent je marche à tes côtés, adulte je marche derrière toi."
L'avenir
31 associations participent au REAAP27, chacune avec un projet, et chacune avec un nom associé à ce projet. A Conches par exemple, vous trouverez un "Café des parents", au Centre Social Pastel de Louviers, c'est "Aventures en famille", et à La Guéroulde c'est "L'art d'être parents". Peu importe le nom, le principe reste toujours le même : faire collaborer les parents entre eux et avec des professionnels pour que la parentalité devienne une réussite pour tous.
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Les scientifiques lisent des tas de livres et disent ne rien savoir.
Les religieux lisent un livre et prétendent tout expliquer.
Dans la tête à Frédy