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Monsanto, la pollution durable
lundi 12 février 2007.par Philippe Ladame
Le Guardian a mené enquête sur un site gallois trente ans après le début du stockage de déchets produits par Monsanto.
(Traduit de The Guardian - John Vidal)
Il apparaît que l’entreprise de chimie Monsanto a payé des sous-traitants pour rejeter des milliers de tonnes de déchets hautement toxiques dans des décharges britanniques, tout en sachant que ses produits chimiques étaient susceptibles de contaminer faune et population. Hier, l’Agence pour l’Environnement a dit avoir lancé une enquête après qu’on se soit aperçu que les produits chimiques polluaient la nappe souterraine et l’atmosphère 30 ans après leur mise en décharge.
D’après l’agence, il pourrait en coûter jusqu’à 150 millions d’euros pour dépolluer un site du sud du Pays de Galles qualifié de "l’un des plus contaminés" du pays.
Un précédent rapport au gouvernement passé inaperçu montre que 67 produits chimiques, incluant des dérivés d’agent Orange, des dioxines et des PCB qui n’ont pu être fabriqués que par Monsanto s’échappent d’une carrière non étanche qui n’a pas été homologuée pour recevoir des déchets chimiques.
La carrière Brofiscin aux abord du village de Groesfaen, près de Cardiff, s’est mise à exhaler des vapeurs alentour, mais la communauté n’a guère été informée de la réalité de ce qui se trouvait enfoui. Hier, le gouvernement a été critiqué pour n’avoir pas informé sur l’ampleur et la nature exacte de cette contamination.
Douglas Gowan, expert en pollution, qui a produit le premier rapport officiel concernant la carrière Brofiscin en 1972 après l’empoisonnement de neuf vaches, a déclaré :« Les autorités connaissent la situation depuis des années mais n’ont rien fait. Il est évident qu’il y a eu non seulement négligence et incompétence totale, mais dissimulation, et le problème s’est développé, sans contrôle. »
Beaucoup de l’information récente concernant les activités de Monsanton en Grande Bretagne dans les années 60 et 70 provient de documents déclassés aux Etats-Unis et de documents internes à l’entreprise non publiés auparavant. Ils montrent que l’entreprise savaient, à partir de 1965 que les PCB - utilisés comme retardeurs de flammes et isolants - fabriqués aux Etats-Unis et dans son usine de Newport, dans le sud du Pays de Galles, sous la marque Aroclor, se concentrent dans le lait maternel, les rivières, les poissons, les fruits de mer, la faune et la flore.
Les documents montrent qu’en 1953, des chimistes de l’entreprise ont testé les PCB sur des rats et ont découvert que, en doses moyennes, ils tuaient plus de 50% des cobayes. Malgré cela, l’entreprise a continué à produire des PCB et a rejeté les déchets au Pays de Galles jusqu’en 1977, plus d’une décennie après qu’il soit établi que la contamination des populations et de l’environnement ne faisait aucun doute.
Un haut comité au sein de l’entreprise, informé de la contamination du lait, des poissons, des oiseaux et de la faune de par le monde, y compris en Grande-Bretagne, s’est vu confiée la tâche en 1968 d’évaluer les options s’offrant à Monsanto . « Dans le cas des PCB l’entreprise est confrontée à un barrage de publicité négative ... il sera impossible de nier la présence et la persistance d’Aroclors. Les pressions publiques et légales pour mettre éliminer et prévenir une contamination globale sont inévitables et ne pourront probablement pas être contenues avec succès » écrivait le comité.
Le rapport, qui a été montré à une douzaine de personnes seulement, disait : « Les choix possibles sont, ne rien dire ni faire ; faire diversion ; cesser immédiatement la production d’Aroclors ; réagir de manière responsable, en admettant la preuve grandissante de contamination environnementale ..." Une note griffonnée à la fin du document concluait : « La Grande Question ! Que dire à nos clients ... essayer de continuer les affaires ou aider les clients à nettoyer leur usage. »
Monsanto a arrêté de produire des PCB aux Etats-Unis en 1971, mais le gouvernement du Royaume-Uni, qui connaissait les dangers des PCB pour l’environnement dès les années 60, a autorisé leur production au Pays de Galles jusqu’en 1977.
Hier Monsanto, qui s’est divisé en plusieurs entreprises distinctes depuis 1997, a déclaré dans un communiqué : « Au nom de Pharmacia Corp (une ancienne filiale), Monsanto gère les questions en lien avec la fabrication passée de PCB au Pays de Galles. Nous continuons à travailler avec le ministère de l’environnementgallois et d’autres instances de régulation pour régler ces questions. Une étude complète ... montrera que Pharmacia a vraiment informé ses sous-traitants de la nature des déchets avant leur mise à disposition et que Pharmacia n’a pas déchargé de déchets de ses propres véhicules. »
Solutia, la filiale de Monsanto qui possède maintenant le site de Newport, a expliqué qu’elle fournissait à Monsanto et aux instances réglementaires "les informations requises".
L’Agence pour l’Environnement du Pays de Galles a dit étudier le contenu du site. « C’est l’un des sites les plus contaminés du Pays de Galles et il est prioritaire d’y porter remède vu qu’il est très proche des habitations, » a déclaré John Harrison, le directeur de l’agence de la région de Taff/Ely. « Il y a une pollution de l’eau, mais nous ne pensons pas qu’il y ait, pour le moment, de danger pour la santé des hommes. Nous avons dépensé environ 1.200.000 euros jusqu’à présent à enquêter sur place. Notre équipe juridique rassemble les preuves et nous essayons d’évaluer les coûts. »
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